DĂ©couvrezce magnifique et inspirant texte de Jean d’Ormesson sur l’existence et le sens Ă  donner aux rencontres que la vie met sur notre chemin. « À la naissance, on Jeand'ormesson et le train de la vie 6,307 views May 27, 2020 Clique sur le TITRE de la vidĂ©o pour dĂ©couvrir Jean d'ormesson et le train de la vie. 61 À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents. Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, Ă  une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage Au fur et Ă  mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train. Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos Allerau contenu. Menu. Commander; Couple. Mon couple heureux; ActivitĂ©s Ă  faire en couple Jeand'Ormesson : A la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents. Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, Ă  une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage Au fur et Ă  mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train. Aussi merci d’ĂȘtre un des passagers de mon train. Et si je dois descendre Ă  la prochaine station, je suis content . d’avoir fait un bout de chemin avec vous. Je veux dire Ă  chaque personne . qui lira ce texte que je vous remercie d’ĂȘtre dans ma vie et de voyager dans mon train.” Jean d'Ormesson. Suivi de CrĂ©atures d'habitudes: a8UgvEt. Jean d'Ormesson, surnommĂ© Jean d'O », de son nom complet Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Le FĂšvre d’Ormesson, nĂ© le 16 juin 1925 Ă  Paris VIIe arrondissement et mort dans la nuit du 4 au 5 dĂ©cembre 2017 Ă  Neuilly-sur-Seine, est un romancier et chroniqueur français. RomansModifier C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le mondeModifier Nous venons tous de la mĂȘme source. Nous sortons tous de la mĂȘme matrice. Nous sommes tous des Africains modifiĂ©s par le temps. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010, p. 30 Citation choisie pour le 28 octobre 2011. La seule diffĂ©rence qui compte est imposĂ©e par le sexe il y a des hommes et il y a des femmes, et il faut un homme et une femme pour qu'il y ait un enfant. Pendant des milliers de millĂ©naires, et jusqu'Ă  nous en tout cas, les deux sexes s'unissent pour que l'histoire continue. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 30 Ce n'est pourtant pas compliquĂ© le temps passe et je dure, l'histoire se dĂ©roule et l'ĂȘtre est. DerriĂšre les tribulations du monde, il y a quelque chose qui lui permet de changer sans cesse et de rester le mĂȘme Ă  travers les changements c'est moi. L'herbe pousse, les enfants meurent. DerriĂšre le monde qui se fait et s'Ă©croule, qui ne se fait que pour s'Ă©crouler, qui s'Ă©croule et se refait, il y a cet ĂȘtre immobile, Ă©ternel, infini, hors de l'espace et du temps, qui hante l'esprit des hommes plongĂ©s dans l'espace et dans le temps et guettĂ©s par une mort dont il leur est interdit, Ă  eux qui comprennent tout, qui changent tout, qui se croient la fin de tout, de jamais rien savoir. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 63 Dieu est hors du temps. mais il est aussi dans le temps, parce que les hommes qui le pensent, qui l'adorent, qui le combattent sont emportĂ©s dans le temps. Dieu est Ă©ternel, et il a pourtant une histoire — qui est l'histoire des hommes. Dans cette histoire de Dieu et des hommes, il y a, entre le milieu du XIXe siĂšcle et le dĂ©but du XXIe, un peu plus de cent cinquante ans qui sont rudes pour un Dieu dĂ©noncĂ© et traquĂ© par les hommes. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 101 La science d'aujourd'hui dĂ©truit l'ignorance d'hier et elle fera figure d'ignorance au regard de la science de demain. Dans le cƓur des hommes il y a un Ă©lan vers autre chose qu'un savoir qui ne suffira jamais Ă  expliquer un monde dont la clĂ© secrĂšte est ailleurs. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 113 J'espĂšre que les hommes ne souffriront pas toujours. Ou qu'ils souffriront un peu moins. J'espĂšre qu'il y aura enfin un peu de bonheur pour ceux qui n'en ont jamais eu. J'espĂšre — est-ce assez bĂȘte ! — que la justice et la vĂ©ritĂ©, si souvent contrariĂ©es, sont, ici-bas d'abord, et peut-ĂȘtre mĂȘme ailleurs, autre chose que des cymbales et des illusions. Il faut toujours penser comme si Dieu existait et toujours agir comme s'il n'existait pas. Il y a, chez les hommes, et seulement chez les hommes, un Ă©lan vers la beautĂ© et vers la vĂ©ritĂ© et une soif d'espĂ©rance. Tout est bien. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 291, 292 Toute la littĂ©rature occidentale sort de l’Iliade et de l’OdyssĂ©e oĂč sont dĂ©jĂ  prĂ©sents les thĂšmes de la guerre, des voyages, de l’amour, de l’amitiĂ©, des passions. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2010, p. 18 C'Ă©tait bienModifier L'art n'a que les ressources de la vie de chacun il change ce plomb en or. Rien n'est plus difficile pour chacun d'entre nous que de situer ce qu'il a fait et de se situer soi-mĂȘme Ă  sa juste mesure. C'Ă©tait bien, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Gallimard, 2003, p. 35 Peut-ĂȘtre Bach et Mozart composaient-ils des cantates et des airs d'opĂ©ra pour exprimer leur joie. Peut-ĂȘtre les peintres peignent-ils parce que le monde est beau. Je crois que les Ă©crivains Ă©crivent parce qu'ils Ă©prouvent du chagrin. Je crois qu'il y a des livres parce qu'il y a du mal dans le monde et dans le cƓur des hommes. Personne n'Ă©crirait s'il n'y avait pas d'histoire. Et le moteur de l'histoire, c'est le mal. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 70 Subsiste encore un doute. Si clair, si Ă©vident, le progrĂšs de la science ne suscite-t-il pas plus de questions qu'il ne fournit de rĂ©ponse ? La rĂ©alitĂ© — qui n'est peut-ĂȘtre qu'un songe appelĂ© rĂ©alitĂ© — est si prodigieusement inĂ©puisable qu'elle n'en finit jamais de dĂ©border toutes les tentatives d'exploration et de renvoyer sans fin Ă  autre chose. On marche toujours, on n'arrive jamais. La science est un grimpeur qui, au faĂźte de chaque pic, dĂ©couvre toujours d'autres sommets qui lui dĂ©robent l'horizon. Une malĂ©diction frappe la science qui court de succĂšs en succĂšs tous ses triomphes, et ils sont rĂ©els, sont des victoires Ă  la Pyrrhus. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 85 La science qui nous empĂȘche de souffrir nous invente d'autres souffrances. La science qui guĂ©rit et fait vivre est aussi la science qui tue. La science qui nous donne le pouvoir sur le monde est aussi la science qui nous retire tout pouvoir et qui risque, un jour, de nous retirer le monde. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 90 Dans ce coin-ci au moins de la planĂšte, dominĂ© par la science et la tĂ©lĂ©vision, enfants de Voltaire, de Flaubert, d'Oscar Wilde, d'AndrĂ© Gide, de Queneau, si diffĂ©rents les uns des autres mais liĂ©s par un sens aigu de ce qui pouvait encore ĂȘtre Ă©crit sans trop de ridicule, nous sommes entrĂ©s dans une culture de la distance et de la dĂ©rision. D'un cĂŽtĂ©, la science, il n'y a pas de quoi se tordre, qui nous fabrique notre avenir ; de l'autre, sous des rafales d'images, une lassitude et un dĂ©goĂ»t mĂȘlĂ©s de cris de douleur et de rires un peu fĂȘlĂ©s je crois que tout le monde les entend. Quelque chose Ă  craquĂ©. Nous ne sommes pas encore dans un monde diffĂ©rent. Mais, sans presque le savoir, nous ne sommes dĂ©jĂ  plus les mĂȘmes. Pas encore ailleurs. Mais dĂ©jĂ  plus ici. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 98 Himmelhoch jauchzend, zum Tode betrĂŒbt ». J'Ă©tais gai, j'Ă©tais triste. J'Ă©tais fou de bonheur. Et accablĂ© de chagrin. La vie m'a toujours paru dĂ©licieuse — et le monde, plein de larmes. Il y a du mal sous le soleil et je doute que l'histoire en vienne jamais Ă  bout. Je ne crois pas que demain sera dĂ©barrassĂ© du mal qui affligeait hier. RĂȘver d'un monde parfait qui brillerait devant nous est d'une naĂŻvetĂ© meurtriĂšre beaucoup ont souffert et sont morts sous le prĂ©texte, sĂ©duisant et criminel comme Lucifer lui-mĂȘme, de changer le monde en paradis et de rendre aux hommes leur innocence. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 134 À mesure que la science tranche les faces de Gorgogne, de nouvelles tĂȘtes poussent Ă  l'hydre pour poursuivre le travail et rĂ©pandre la terreur. Aucun d'entre nous n'est Ă  l'abri du mal qui frappe Ă  coups redoublĂ©s. Ce mal — dont le christianisme nous parle avec gĂ©nie sous les espĂšces du pĂ©chĂ© originel et, d'une certaine façon, de l'Incarnation, sacrifice inversĂ© et suprĂȘme, offert non plus par les hommes Ă  Dieu mais par Dieu aux hommes pour racheter le mal de l'histoire — ne peut ni s'effacer ni triompher. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 138 Un jour, je m'en irai sans en avoir tout ditModifier L'histoire devient une espĂšce de kalĂ©idoscope en dĂ©lire, oĂč ne cessent de se succĂ©der, et de plus en plus vite, des images Ă©blouissantes et dĂ©pourvues de sens. Les frontiĂšres Ă©clatent, les distinctions s'effacent. Chacun est liĂ© aux autres par les ondes et la toile. La campagne disparaĂźt peu Ă  peu. les villes s'Ă©tendent et se rejoignent. SurgelĂ©es et contagieuses, les modes et les passions se transmettent Ă  la vitesse de la lumiĂšre. les supermarchĂ©s, les dĂ©sirs, les idĂ©es se ressemblent. Les langues dĂ©clinent et meurent. l'orthographe se dĂ©lite. Un sabir se rĂ©pand. Les sexes se confondent. les couleurs s'affadissent et perdent de leur Ă©clat. Pour le meilleur et pour le pire, l’universel et l'unitĂ© sont au bout du chemin. l'entropie se dĂ©chaĂźne. les hommes commencent Ă  deviner que leur destin est de disparaĂźtre dans l'avenir comme ils ont apparu dans le passĂ©. Et ils se demandent ce qu'ils font lĂ . Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 98 La joie. Loin de nous enfoncer dans le monde Ă  la façon du plaisir et du bonheur, elle nous en dĂ©tacherait plutĂŽt. Elle est religieuse et rebelle. Elle est mĂ©taphysique, elle Ă©clate comme un tonnerre. Elle dĂ©truit tout sur son chemin. Elle se consume elle-mĂȘme, elle s'oublie, elle se nie. Il y a quelque chose dans la joie qui ressemble Ă  l'adoration. Elle nous Ă©lĂšve au dessus de nous. Elle nous transporte ailleurs. Elle nous ouvre les portes d'un univers inconnu et plus beau que le notre, elle jaillit de notre monde et elle nous en montre un autre oĂč rĂšgne la beautĂ©. Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 153 Qu’ai-je donc faitModifier La mĂ©diocritĂ© est portĂ©e aux nues. Les navets sont cĂ©lĂ©brĂ©s comme des chefs-d'Ɠuvre. Ce qui sera oubliĂ© dans trois ans est l'objet d'un tintamarre qui finit par rendre insignifiant pĂȘle-mĂȘle le meilleur et le pire. Les Ɠuvres dignes de ce nom ne manquent pas autour de nous. Elles sont emportĂ©es dans les flots de la nullitĂ© acclamĂ©e. Je n'Ă©cris, pour ma part, ni un roman ni des MĂ©moires. J'essaie de comprendre le peu que j'ai fait et comment tout cela s'est emmanchĂ©. Je n'Ă©cris pas pour passer le temps ni pour donner des leçons. Je n'Ă©cris pas pour faire le malin ni pour ouvrir, comme ils disent, des voies nouvelles Ă  la littĂ©rature. Pouah ! Je n'Ă©cris pas pour faire joli ni pour dĂ©fendre quoi que ce soit. J'Ă©cris pour y voir un peu plus clair et pour ne pas mourir de honte sous les sables de l'oubli. La littĂ©rature vivante d'aujourd'hui, qui m'a si souvent emmerdĂ© avec son sĂ©rieux implacable et son pĂ©dantisme expĂ©rimental et toujours avortĂ©, je lui rends bien volontiers la monnaie de sa piĂšce et je l'envoie se faire foutre avec beaucoup de gaietĂ©. Je ne sais pas si je serai encore vivant demain, mais je suis sĂ»r que la littĂ©rature vivante d'aujourd'hui, qui, avec son intolĂ©rance de donneuse de leçons et ses fanfaronnades de mauvais sentiments, est l'exact pendant, inversĂ© et beaucoup plus prĂ©tentieux, de la crĂ©tinerie des pompiers de la peinture et de la littĂ©rature de la fin du XIXe siĂšcle, sera morte avant moi — si elle n'est pas dĂ©jĂ  morte. Ne lis pas n'importe quoi. Lis plutĂŽt les grands livres dont tout le monde parle sans les lire. Les espĂ©rances sont comme les femmes les plus belles ne sont pas plus pas inaccessibles que les autres. Mieux vaut viser Rimbaud ou La BruyĂšre et rester loin derriĂšre que viser Bordeaux ou Feuillet ou Sartre ou EugĂšne Sue et risquer de les atteindre. Le vent du soirModifier Nietzsche, Wagner, Karl Marx, Rimbaud, DostoĂŻevski, se rĂ©voltent contre les menaces obscures qu'ils devinent dans l'avenir. L'exploitation des plus faibles se combine insidieusement avec un moralisme de facade. L'hypocrisie triomphe. Le conformisme des esprits avance Ă  pas de gĂ©ant. L'aventure, le charme, l'indĂ©pendance morale livrent des combats d'arriĂšre-garde. Une espĂšce de grisaille s'Ă©tend sur l'univers. Le vent du soir, Jean d'Ormesson, Ă©d. Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 114 Toutes les scĂšnes du passĂ© qui s'animaient pour moi sur la terrasse de San Miniato, je ne leur accordais pas une importance dĂ©mesurĂ©e. Je ne crois pas que le passĂ© suffise pour comprendre l'avenir. Je vais jusqu'Ă  penser que l'idĂ©e, si rĂ©pandue, qu'il l'Ă©claire et l'explique ne signifie pas grand-chose. Ce qui est vrai jusqu'Ă  l'Ă©vidence, c'est que le passĂ© construit le socle sur quoi s'Ă©lĂšve le prĂ©sent, c'est qu'il accumule les conditions de toute histoire future. Le propre de la vie est de jaillir spontanĂ©ment. Toujours l'inattendu a le plus de chances de survenir. Mais il faut d'abord qu'il parte de ce qui existe. Et que ce qu'on n'attend pas sorte de ce qu'on connaĂźt. L'histoire est la contrainte de la vie. Le passĂ© est ce qui empĂȘche l'avenir d'ĂȘtre n'importe quoi. Le vent du soir, Jean d'Ormesson, Ă©d. Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 145 Parmi les cent mille morts russes de la bataille de Moukden figurait le cadavre du capitaine Nicolas. Une des sources dont je m'inspire pour raconter son histoire indique qu'un sourire flottait sur le visage gelĂ© de l'officier de fortune et qu'au milieu des neiges oĂč le sang des soldats laissait des traĂźnĂ©es rouges, il avait l'air heureux. Le vent du soir, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 365 Tous les hommes en sont fousModifier Une des fonctions les plus mystĂ©rieuses et les plus constantes du temps est d'Ă©lever le hasard Ă  la dignitĂ© de la nĂ©cessitĂ©. Le monde avance Ă  coups de rencontres et le temps qui passe les transforme en les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 19 Mais moi, j'ai vu pleurer Pandora ou Vanessa, je les ai vues se mĂ©fier de leurs pouvoirs et de leurs dons, je les ai vues troublĂ©es de rĂ©gner avec si peu de peine sur le monde et sur les hommes. On me dira que j'Ă©tais, que je suis, que j'ai toujours Ă©tĂ© partial. Je dirai que personne ne peut jamais juger personne et que le cƓur des ĂȘtres humains est plus insaisissable que la mer ou le feu. Je crois que, dĂšs l'enfance, par leur charme et leur duretĂ©, par leurs folies, par leurs mensonges, les quatre sƓurs O'Shaughnessy n'ont jamais rien fait d'autre que d"essayer de se dĂ©fendre. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 45 – La beauté , la beauté  Ce qui compte, voyez-vous, ce n'est ni la beautĂ©, ni le bonheur, ni peut-ĂȘtre le malheur. C'est d'avoir fait quelque chose de sa vie et qu'il en reste un parfum dans le souvenir et dans le cƓur. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 146 La musique de Verdi Ă©mut beaucoup la comtesse. Les souvenirs lui revenaient en foule. Et les souvenirs de Marie Ă©taient pour moi autant de rĂȘves. AprĂšs le chƓur des esclaves, elle se tourna vers moi dans la loge immense que nous occupions Ă  nous deux – Nous sommes tous des esclaves, me dit-elle. – Les esclaves des autres, lui dis-je. Et les esclaves de nous-mĂȘmes. – Oui, c'est un peu çà. Des passions des autres et de nos propres passions. Des folies des autres. Et de notre folie Ă  nous. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 146 Le bonheur Ă  San MiniatoModifier Oh ! Jean ! Qu'est-ce que c'est que cette vie oĂč tout marche de travers, oĂč les plus jeunes meurent les premiĂšres, oĂč les amants se quittent, allez savoir pourquoi, oĂč on n'aime pas ceux qu'on aime et oĂč on aime ceux qu'on aime pas ? Est-ce que tu crois, comme l'oncle Winston, qu'il va y avoir la guerre ? Est-ce que tu crois surtout qu'un jour, un beau jour, aprĂšs tant de plaisirs et de dĂ©tresse, nous finirons par apercevoir, lĂ -bas, au loin, quelque chose d'obscur et de calme qui sera le bout du chemin ? Le bonheur Ă  San Miniato, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1987, p. 29 Casimir mĂšne la grande vieModifier Jamais le monde n'a Ă©tĂ© aussi bas, ronchonnait mon grand-pĂšre. Aussi veule, aussi mĂ©diocre. Il ne croit plus Ă  rien si ce n'est Ă  l'argent. Pour le soulever si peu que ce soit au dessus de lui-mĂȘme, il faut descendre jusqu'au jeux de ballon qu sont la pĂąle rĂ©plique des jeux du cirque d'autrefois. Casimir mĂšne la grande vie, Jean D'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 1997, p. 135 Comme un chant d'espĂ©ranceModifier Il n'y a qu'un choix, en fin de compte, et tout se joue dans ce choix entre le nĂ©ant travaillĂ© par le hasard et Dieu. Nous ne pouvons rien savoir du nĂ©ant avant le big bang ni du nĂ©ant aprĂšs la vie. Les choses sont si bien tricotĂ©es que le mur de Planck et le mur de la mort sont Ă©galement infranchissables. Mais nous pouvons nous faire une idĂ©e de ce qui est possible et de ce qui est impossible. Si l'univers est le fruit du hasard, si nous ne sommes rien d'autre qu'un assemblage Ă  la va-comme-je-te-pousse de particules pĂ©rissables, nous n'avons pas la moindre chance d'espĂ©rer quoi que ce soit aprĂšs la mort inĂ©luctable. Si Dieu, en revanche, et ce que nous appelons — Ă  tort — son esprit et sa volontĂ© sont Ă  l'origine de l'univers, tout est possible. MĂȘme l'invraisemblable. D'un cĂŽtĂ©, la certitude de l'absurde. De l'autre, la chance du mystĂšre. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 85 Dieu sans les hommes est un rĂȘve vide, trĂšs proche de rien, un nĂ©ant infini, une Ă©ternitĂ© d'absence. Il est une invitation Ă  la solitude et Ă  l’orgueil. Il mĂšne Ă  l'intolĂ©rance, Ă  une espĂšce de folie et souvent Ă  l'horreur. Les hommes sans Dieu sont guettĂ©s par une autre forme d'orgueil et par l'absurde dans toute sa puretĂ©. Ils sont, eux aussi, sur le chemin de l'horreur et de la folie. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 92 J'ai aimĂ© Dieu, qui n'est rien aux yeux des hommes qui ne sont rien. Je n'ai dĂ©testĂ© ni les hommes ni les femmes. Et j'ai aimĂ© la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beautĂ© de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant, et qui est notre seul trĂ©sor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglĂ©s par l'orgueil, condamnĂ©s Ă  l'Ă©phĂ©mĂšre, emportĂ©s dans le temps et dans ce prĂ©sent Ă©ternel qui finira bien, un jour ou l'autre, par s'Ă©crouler Ă  jamais dans le nĂ©ant de Dieu et dans sa gloire cachĂ©e. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 95 A la fameuse question de Leibniz que nous avons dĂ©jĂ  rencontrĂ©e sur notre chemin Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? », il y a une seule rĂ©ponse possible Parce que Dieu a distinguĂ© le tout du rien. » Mais, Ă  l'intĂ©rieur de cette rĂ©ponse, il y a une autre rĂ©ponse, incluse, subalterne et annexe Parce que Dieu a confiĂ© Ă  l'homme le tout tirĂ© du rien pour qu'il en fasse un monde oĂč, grĂące Ă  l'espace et au temps, Ă  la nĂ©cessitĂ© et au hasard, l'absence se change en prĂ©sence et le mystĂšre en raison. » Avec ses sens et sa pensĂ©e, l'homme crĂ©e une seconde fois le monde tirĂ© par Dieu du nĂ©ant infini et de l'Ă©ternitĂ© du rien. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 111 La Douane de merModifier Je lui parlais du silence, de l'oubli, de l'absence. Je lui parlais de l'orgueil, de la tristesse, de la jalousie, de la haine qu'il serait impossible d'inventer si nous ne les connaissions pas. Je lui parlais du souvenir. Je lui parlais de l'espĂ©rance. Tout cela, qui lui semblait flou, avait une rĂ©alitĂ© sur la planĂšte oĂč vivent les hommes et oĂč il a dĂ©barquĂ©. Tout cela existait chez nous et n'existait que chez nous. La mĂ©lancolie et l'attente sont des spĂ©cialitĂ©s de cette province reculĂ©e que nous appelons le monde. La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 53 Je trouve le monde Ă©patant. Il m'amuse Ă  la folie. Je ne sais pas oĂč il va. Et parce que je suis un ignorant, un sceptique, un imbĂ©cile, je crois, contrairement Ă  la quasi-totalitĂ© de mes contemporains, que l'homme n'est pas le maĂźtre de son propre destin, qu'il y a quelque chose au-dessus de lui qui donne un sens Ă  l'univers et que ce qu'il y a de mieux Ă  faire... – Eh bien, demanda A en penchant la tĂȘte d'un geste brusque, ce secret des secrets, dis-moi donc ce que c'est ? – C'est de faire ce qu'il peut. Wer immer strebend sich bemĂŒth, den können wir erlösen. » La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 186 Toute vie est amĂšre parce qu'elle se termine par la mort. La vie est une maladie mortelle, Ă  transmission sexuelle, dont on se guĂ©rit un peu chaque jour et qui finit par nous emporter. La vie est un prĂȘt gratuit que nous ne pouvons pas refuser, que nous devons toujours rembourser, qui nous est successivement consenti et retirĂ©, et auquel nous tenons plus qu'Ă  tout. Au moins tant que nous vivons. La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 227 Il n'y aurait qu'une chose de pire que de mourir ce serait de ne pas mourir. Ne me replonge pas dans la vie elle n'a de prix que parce qu'elle cesse. Tous, ou presque tous, nous avons peur de mourir. Mais une fois dans la mort, dans la paix, dans l'oubli, aurions-nous envie de revenir sur cette Terre ? La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 227 Histoire du Juif errantModifier Il marchait. Il marcha jusqu'Ă  la nuit. Il s'Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup Ă©loignĂ© de la ville lorsque la faim s'empara de lui. Et la soif. Les passions, les ambitions, les idĂ©es, les projets ne viennent qu'en seconde ligne. Il faut d'abord boire, et manger, et dormir, et tout le reste. Sans jamais en souffler mot dans les torrents de livres et de films qui nous tombent sur la tĂȘte, nous passons notre temps Ă  mener notre corps au garage, Ă  le ravitailler et Ă  le vidanger. De La Princesse de ClĂšves au Soulier de satin, en passant par Adolphe et par La Chartreuse de Parme, on dirait que nos hĂ©ros sont munis d'une dispense de trimbaler un corps. Ils n'ont le droit que de faire l'amour parce que l'amour est le lien entre le rĂȘve et la machine. Nous sommes une machine avant d'ĂȘtre un esprit et une Ăąme. Il peut y avoir des machines sans esprit et sans Ăąme. Dans ce monde au moins, il n'y a pas d'esprit et d'Ăąme sans qu'il y ait une machine. AhasvĂ©rus avait soif. Et il avait faim. la nuit tombait. Il aperçut une lumiĂšre qui brillait dans une maison. Il poussa la porte aprĂšs l'avoir frappĂ©e de son bĂąton et il entra dans la maison. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 117 En dĂ©sobĂ©issant au CrĂ©ateur, en dĂ©couvrant cette force inouĂŻe que reprĂ©sentait le mal, Adam avait donnĂ© le dĂ©part Ă  quelque chose de plus fort que la Grande Aventure c'Ă©tait l'histoire. En maltraitant le GalilĂ©en qui se disait fils de Dieu, AhasvĂ©rus s'Ă©tait condamnĂ© Ă  la parcourir en entier. Il Ă©tait le second Adam. Lui portait sur ses Ă©paules le poids Ă©crasant du pĂ©chĂ© perpĂ©tuel [...] Il parlerait toutes les langues. Il aurait toujours dans sa poche assez d'argent pour survivre. Et le cancer, les armes blanches, le pistolet, le poison, la tempĂȘte et le feu, la cruautĂ© des hommes et leur justice, le hasard et le destin seraient contraints de l'Ă©pargner. L'Ăąge, c'est-Ă -dire le temps, n'aurait pas prise sur lui. Il avait laissĂ© marcher le GalilĂ©en vers sa mort. Il marcherait lui-mĂȘme sans fin Ă  travers l'univers. Mais il ne le savait pas encore. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 174 Je dis que tout s'en va. Je dis que tout meurt et disparaĂźt. Et que quelque chose, pourtant, subsiste, chez ceux qui restent, de ce qui a disparu. Que quelque chose, pourtant, subsiste, chez les vivants, de ce qui a vĂ©cu. C'est ce que nous appelons le souvenir. La mort n'est pas la fin de tout puisqu'il y a le souvenir. Les hommes rĂȘvent de fantĂŽmes, de revenants, de forces spirituelles et mystĂ©rieuses, dont on ne sait presque rien, dont on attend presque tout. Le premier des fantĂŽmes, le premier des revenants, la plus formidable des forces spirituelles, vous le savez bien, c'est le souvenir. Rien de plus beau que l'espĂ©rance — si ce n'est le souvenir, qui est l'inverse et la mĂȘme chose. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 267 Distinguez-vous ce jeu au loin entre le temps et la vie ? Il repose tout entier sur un mystĂšre effrayant quand il n'y aura plus rien, il y aura eu quelque chose et la mort elle-mĂȘme n'efface pas le souvenir. Ah ! je ne dis pas grand-chose, non je ne dis presque rien, je dis que tout s'en va et que tout disparaĂźt, je dis qu'il y a une Ăąme du monde et que ce qui a Ă©tĂ© ne peut pas ne pas ĂȘtre. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 267 C'est ce flou permanent, c'est ce passez muscade entre le coupable et la victime qui a fait du Juif errant une figure si remarquable et si intĂ©ressante qu'elle n'a jamais cessĂ© de sĂ©duire Ă©crivains et artistes. Je suis tout le monde et moins que rien. Je suis l'horreur de vivre et tous vos Ă©blouissements. Je suis aussi la fatigue. la contradiction, et la fatigue. La passion et la fatigue. j'en ai assez de marcher. j'en ai assez d'un monde qui s'imagine toujours avoir tout dĂ©couvert et qui ne comprend jamais rien. VoilĂ  deux millĂ©naires que je marche sur cette planĂšte oĂč tout se transforme toujours et oĂč rien ne change jamais. C'est ce qui me rapproche des pauvres les pauvres sont fatiguĂ©s. Moi aussi. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 501 Je crois qu'il faut savoir, et quelquefois mourir, pour des choses — comment dire ?... choisies presque au hasard. Non pas tant parce qu'elles sont vraies — qu'est-ce que la vĂ©ritĂ© ? — mais parce qu'elles vous paraissent, Ă  vous qui ne savez rien, plus belles, plus justes, plus grandes. Non pas tant parce qu'elles sont vraies, mais parce que vous les avez choisies. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 505 Il vous faudra sans moi dĂ©couvrir dans ce monde tout ce qui en fait le charme, la drĂŽlerie, l'imprĂ©vu, la grandeur. Parce que vous, au moins, avez la chance de mourir et que le temps vous est mesurĂ©. La griserie d'exister n'en sera que plus vive. La rĂ©pĂ©tition perpĂ©tuelle de combinaisons qui ne changent guĂšre teinte mes expĂ©riences d'un peu de lassitude et d'ennui. Vous, au contraire, la seule chose que vous ayez Ă  craindre, c'est la mĂ©lancolie du temps qui passe. Quelle aubaine ! Quel enchantement ! La vie pour vous sera si belle que, malgrĂ© les Ă©checs et les souffrances que nous connaissons tous, vous aurez, je vous le dis, un peu de mal Ă  la quitter. Moi qui n'aspire qu'Ă  une mort Ă  jamais refusĂ©e, je vous envie de pouvoir partir avant l'horreur et l’écƓurement. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 510 Le rapport GabrielModifier Le temps, l'espace, la nĂ©cessitĂ©, la loi rĂšgnent sur tout ce petit monde. Ils ne rĂšgnent pas sur les autres univers a qui j'ai donnĂ© d'autres lois et que les hommes, parce qu'ils vivent dans le temps, sont hors d'Ă©tat, non seulement d'imaginer, mais mĂȘme de concevoir. La pensĂ©e des hommes est soumise Ă  la mĂȘme loi qui domine l'univers et c'est pour cette raison qu'ils sont incapables de le comprendre et incapables d'en sortir. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 39 L'idĂ©e que la nĂ©cessitĂ© n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas nĂ©cessaire et que le hasard Ă©tait un autre nom de ma volontĂ© ne les a pas effleurĂ©s parce qu'ils ne voulaient pas qu'elle pĂ»t les effleurer. Ils ont choisi n'importe quoi, mais qui restait Ă  leur niveau, plutĂŽt que quelques chose qui risquait de les dĂ©passer. Et ils sont allĂ©s jusqu'Ă  reconnaĂźtre bruyamment, avec un peu plus qu'une ombre d'affection et de provocation, qu'ils prĂ©fĂ©raient l'absurde au mystĂšre. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 47 Le monde est enchanteur, et il est dĂ©risoire. S'il n'y a rien d'autre que le monde, le monde est absurde et il n'a aucun sens. S'il y a autre chose que le monde, le monde ne peut prĂȘter qu'Ă  pleurer ou Ă  rire. J'imagine que, de la-haut, l'Éternel nous regarde et qu'il nous prend en pitiĂ©. Jetons-nous dans la mer, bĂ©nissons le Soleil, courons dans la montagne, Ă©puisons notre vie qui nous vient on ne sait d'oĂč et jouons Ă  la balle sur les bords du nĂ©ant et de l'Ă©ternitĂ©. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 258 Le temps surtout met sa barriĂšre entre Ă©crivain et journaliste. Le temps — au galop ! au galop ! — a deux propriĂ©tĂ©s, contradictoires et identiques le temps passe et il dure. Alors que le journaliste est tout entier du cĂŽtĂ© du temps qui passe — J'appelle journalisme, Ă©crit AndrĂ© Gide, ce qui sera moins intĂ©ressant demain qu'aujourd'hui » et PĂ©guy Rien n'est plus vieux que le journal de ce matin, et HomĂšre est toujours jeune » —, l'Ă©crivain est tout entier du cĂŽtĂ© du temps qui dure. RivĂ© Ă  l'actualitĂ©, le mot d'ordre du journaliste est l'urgence ; l'Ă©crivain ne pense Ă  rien, si ce n'est Ă  l'essentiel. Et l'urgent, Ă  notre Ă©poque, est l'ennemi jurĂ© de l'essentiel. Alors, disait Forain Ă  un ami qui venait de se faire installer le tĂ©lĂ©phone, alors, on te sonne, et tu y vas. » Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 332 – Quel est l'essentiel ? demanda Gabriel. – Tu le sais mieux que moi, rĂ©pondis-je. – Et quel est l'urgent ? Je rĂ©flĂ©chis un instant. – C'est de sauver les hommes, lui dis-je. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 333 Que de belles filles Ă  l'aube ont passĂ© dans ma vie ! Elles me donnaient un vertige qui ne reposait pas seulement sur le dĂ©sir et le sexe. Elles indiquaient les chemins innombrables qu'aurait pu prendre le destin. Elles Ă©taient les flĂšches de bois qui guident en montagne le voyageur Ă©garĂ© vers des vallĂ©es opposĂ©es. Elles Ă©taient les panneaux blancs que la police militaire allemande avait multipliĂ©s dans le labyrinthe mystĂ©rieux de paris occupĂ© Kommandantur, Notre-dame, Lazaret, Arc de triomphe... Elles Ă©taient la rose des vents. Elles Ă©taient les carrefours avortĂ©s d'une existence de rĂȘve qui ne verrait jamais le jour. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 404 La gloire de l'EmpireModifier L'Empire n'avait jamais connu la paix. Il avait fallu l'Ă©difier, et puis il avait fallu le dĂ©fendre. Du fond de son histoire montait la rumeur des haches et le sifflement des javelots et les cris des mourants, le soir, aprĂšs la bataille. Les forĂȘts du nord et de l'est, les hautes montages du sud n'avaient pas suffi Ă  le protĂ©ger des attaques et des gloire de l'Empire 1971, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2002 ISBN 2-07-038941-3, p. 15 Au plaisir de DieuModifier Je suis nĂ© dans un monde qui regardait en arriĂšre. Le passĂ© y comptait plus que l'avenir. Mon grand-pĂšre Ă©tait un beau vieillard trĂšs droit qui vivait dans le souvenir. Sa mĂšre avait dansĂ© aux Tuileries avec le duc de Nemours, avec le prince de Joinville, avec le duc d'Aumale, et ma grand-mĂšre Ă  CompiĂšgne avec le prince ImpĂ©rial. Mais c'Ă©tait Ă  la monarchie lĂ©gitime qu'Ă  travers tant de dĂ©sastres, de barricades, de citadelles assiĂ©gĂ©es, de rebelles triomphants, ma vieille tribu tout entiĂšre restait passionnĂ©ment attachĂ©e. Les Lendemains qui chantent aux oreilles des prophĂštes ne lu disait rien qui plaisir de Dieu 1974, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-037243-X, p. 13 Dieu, sa vie, son ƓuvreModifier Il me semble, Ă  travers Dieu, me souvenir enfin de ce que je n'ai jamais su. Et peut-ĂȘtre de ce que personne n'a jamais pu savoir. Il me semble deviner dĂ©jĂ  ce qui me restera toujours interdit et fermĂ© par le temps encore Ă  venir. Puisque je participe Ă  la totalitĂ©, quelque chose de Dieu palpite dans ce que j'Ă©cris. Je l'Ă©cris parce que je souffre d'un Ă©trange maladie j'ai le vertige du monde. Je lutte contre le mal par la vaccination, par l'homĂ©opathie je prends quelques gouttes de l'ocĂ©an universel et je les infuse dans ces pages. Au hasard, n'importe comment, en quantitĂ©s imperceptibles et infinitĂ©simales traces, comme dit le jargon. Il y a, dans ce livre Ă  la gloire du saint nom, des traces de l'univers, il y a des traces de Dieu. Dieu, sa vie, son Ɠuvre 1981, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-037735-0, p. 155 Ni la peinture ni la musique, ni philosophes ni tragĂ©diens, ni poĂštes ni romanciers — ni les historiens, bien entendu — n'ont osĂ© abordĂ© le thĂšme du tĂȘte-Ă -tĂȘte cĂ©leste entre le bien et le mal. Au moment de franchir le pas, on hĂ©site Ă  leur donner tort. L'absence de toute source, de toute espĂšce de rĂ©fĂ©rence autre qu'un sentiment collectif dĂ©positaire de secrets qui remontent Ă  des Ăąges Ă©vanouis et mystiques rend la tĂąche presque impossible. Il faut pourtant rĂ©pondre Ă  la question fondamentale que les hommes se posent sans l'ombre d'une solution, depuis la nuit de temps Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutĂŽt que rien ? » Et Ă  la question subsidiaire Pourquoi Dieu a-t-il permis qu'il y ait du mal dans le monde ? » Puisque c'est la rĂ©ponse Ă  ces deux questions qui constitue l'origine et le sens de ce livre, il n'est plus temps de reculer. Dieu, sa vie, son Ɠuvre 1981, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-037735-0, p. 286 Odeur du tempsModifier Je dois beaucoup Ă  un petit nombre de maĂźtres et d'amis — des vivants et des morts — qui m'ont fait ce que je suis. Les uns, parce qu'ils m'ont encouragĂ©, aidĂ©, soutenu les autres, parce que je les ai lus. À beaucoup d'Ă©gards imparfait, bĂąti de bric et de broc, encombrĂ© de rĂ©pĂ©titions inhĂ©rentes Ă  son genre, et parfois de contradictions, ce livre est trĂšs loin d'ĂȘtre un de ces livres d'amertume que dicte parfois le grand Ăąge que j'atteints Ă  mon tour. C'est un livre de gratitude et d'admiration. L'admiration, de nos jours, n'est pas un sentiment Ă  la mode. Odeur du temps est un exercice d'admiration et de fidĂ©litĂ©. VoilĂ  plus de trois quarts de siĂšcle que ce monde oĂč j'ai Ă©tĂ© jetĂ© par le hasard ou par la Providence n'a jamais cessĂ© de m'Ă©blouir. C'est un peu de cet Ă©blouissement que voudraient transmettre ces pages dĂ©jĂ  peut-ĂȘtre, mais Ă  peine, jaunies par le du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2007 ISBN 978-2-35087-058-8, p. 15 Qu'est-ce qu'ils nous apprennent, Aragon, et Yourcenar, et Borges, et Cioran, et les autres ? Que, selon la belle formule de Pessoa, la vie ne suffit pas » et que la littĂ©rature est lĂ  pour nous Ă©lever un peu au-dessus de nous-mĂȘmes. Odeur du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2007 ISBN 978-2-35087-058-8, p. 93 Saveur du tempsModifier Ce qu'est ce livre au fond, c'est un exercice d'admiration — tempĂ©rĂ©e, ici ou lĂ , par l'inquiĂ©tude ou l'ironie. Admiration pour les hommes, admiration pour les Ɠuvres, admiration pour la beautĂ© du monde. Dans une Ă©poque plus portĂ©e Ă  la dĂ©rision qu'Ă  l'admiration, voilĂ  un dĂ©fi un peu audacieux. Je le relĂšve sans trop de crainte. Nous vivons une pĂ©riode suffisamment prĂ©occupante pour que, de temps en temps, nous essayions de viser un peu plus haut et de rendre Ă  l'espĂ©rance des couleurs trop souvent du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2009 ISBN 978-2-35087-114-1, p. 13 La crise de la littĂ©rature et plus particuliĂšrement du roman, dont chacun parle aujourd'hui avec insistance mais dans le vague, vient d'abord sans doute de l’absence de grands Ă©crivains. Cette absence contraste singuliĂšrement avec la profusion et l'Ă©clat des annĂ©es 1920 et 1930. Dans un dictionnaire des auteurs de l'entre-deux-guerres, la seule lettre M — privilĂ©giĂ©e, j'en conviens — fournissait Mauriac, Maurois, Montherlant, Morand, Maurras, Malraux et Martin du Gard - sans parler des Charles Morgan et des Soomerset du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2009 ISBN 978-2-35087-114-1, p. 19 Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belleModifier Ils frĂ©quentaient les dieux dont ils descendaient en droite ligne. Et voilĂ  qu'ils se retrouvent en primates, avec des bactĂ©ries et des algues pour grands-mĂšres. Ils en savent, bien sĂ»r, beaucoup plus sur l'univers, sur son histoire, sur leur propre personne, ils sont autrement plus puissants qu'hier dans tous les domaines oĂč ils ont roulĂ© de triomphe en triomphe, et l'orgueil les submerge — mais ayant perdu leurs illusions, rĂ©duits Ă  leurs propres forces, se mĂ©fiant d'eux-mĂȘmes et de leurs pouvoirs toujours croissants, ils ont dĂ©gringolĂ© du piĂ©destal oĂč ils s'Ă©taient juchĂ©s et ils ont rapetissĂ©. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 416 La vĂ©ritĂ©, c'est que nous sommes trop grands pour nous. Nous sommes dĂ©chirĂ©s entre notre petitesse et notre grandeur, entre notre misĂšre et notre puissance. Il n'est rien d'impossible au pouvoir d'un esprit enfermĂ© dans un corps destinĂ© Ă  pourrir et qui n'apparaĂźt que pour se hĂąter de disparaĂźtre. Chacun d'entre nous est un roi trĂšs puissant, enchaĂźnĂ©, glorieux, misĂ©rable, vouĂ© Ă  la poussiĂšre et dĂ©vorĂ© d'espĂ©rance. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 425 Je crois que derriĂšre le roman de l'univers, avec ses structures si prĂ©cises et ses rebondissements, et derriĂšre le grand théùtre de la vie, avec son intrigue si bien ficelĂ©e, ses dialogues si brillants, ses anecdotes sans fin, son style louĂ© de toutes parts, son mĂ©lange si savant de tragique et de comique, il y a comme une puissance inconnue. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 433 Il est impossible de se faire une idĂ©e, mĂȘme approximative et figurĂ©e, de l'origine de cette abstraction portĂ©e Ă  l'incandescence que serait un temps en train d'apparaĂźtre et de se mettre Ă  couler. Il n'apparaĂźt pas et il ne coule pas pour la raison la plus simple il n'existe pas. Ou, du moins, il n'existe pas en tant que tel. Il n'est pas une rĂ©alitĂ©. Il n'a pas d'existence propre. Il n'y a pas de temps vide comme il peut y avoir un espace vide. Le temps n'est rien d'autre qu'une dimension — ou plutĂŽt la dimension — nĂ©cessaire et universelle de tout ce qui est appelĂ© Ă  exister Ă  partir du big bang. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 439 Tout semble se dĂ©glinguer de partout. Sa langue surtout, son bien le plus prĂ©cieux, qui brillait de mille feux et rĂ©gnait sur l'Europe qui rĂ©gnait sur le monde, se dĂ©fait de jour en jour. Confucius le savait dĂ©jĂ  Ă  l'Ă©poque de Platon et de Sophocle il faut prendre garde aux mots. Une langue qui faiblit, c'est un pays qui vacille. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 448 Guide des Ă©garĂ©sModifier Plus familiĂšre et plus prĂ©sente que l'air toujours absent, l'eau est aussi plus Ă©trange et plus paradoxale. Elle n'a ni forme ni couleur, mais nous pouvons la voir. Elle n'Ă©met aucun son, mais nous Ă©coutons volontiers sa musique et ses plaintes. Nous pĂ©nĂ©trons parfois dans son invraisemblable texture, mais le plus souvent c'est elle qui nous pĂ©nĂštre pour s'installer chez nous oĂč elle rĂšgne en maĂźtresse. A sa forme si instable et secrĂšte jusqu'au miracle nous donnons le nom de liquide ». Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 31 Le temps existe, bien sĂ»r, puisque nous vieillissons et mourons, puisque tout passe et s'en va. Mais il n'a pas, comme l'espace, une rĂ©alitĂ© par lui-mĂȘme. Il n'est pas un fleuve oĂč nous nous plongerions. MystĂšre profond, il est attachĂ© Ă  la matiĂšre et Ă  la vie. Memento mori perpĂ©tuel et tout puissant, il est, sur toutes les formes les plus diverses de la rĂ©alitĂ© et de l'existence, sur toutes leurs facettes et tous leurs fragments les plus infimes, la marque indĂ©lĂ©bile d'un Ă©lan vers la mort et la disparition. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 42 Chacun de nous sort d'un mĂ©canisme physique qui repose sur l'union de deux corps matĂ©riels et monte vers la libertĂ©. La vie sort de molĂ©cules et de bactĂ©ries Ă©trangĂšres Ă  tout esprit et monte — au moins de loin — vers le savoir, l'art, la beautĂ©, la vĂ©ritĂ©. Le talent, le gĂ©nie, l'imagination, la bontĂ© sortent d'ovules et de sperme. Et l'univers lui-mĂȘme sort d'une explosion matĂ©rielle avant de monter dans le temps, vers l'histoire, vers la mort au bout du rouleau — et, paradoxe suprĂȘme, vers la pensĂ©e et l'amour qui unissent la matiĂšre et l'esprit. Tout sort de la matiĂšre et tout monte vers l'esprit. Comme le monde lui-mĂȘme, la pensĂ©e est une incarnation. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 47 Le mal est une trouvaille de gĂ©nie qui n'appartient qu'aux hommes. Il est une invention et un prolongement de la pensĂ©e. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 49 Ce qu'il y a de plus Ă©trange dans la mort, c'est cette barriĂšre infranchissable qui la sĂ©pare de la vie. On dirait un fait exprĂšs. TrĂšs loin dans le passĂ©, il y a des millions et des millions de siĂšcles, un mur s'Ă©lĂšve tout au dĂ©but pour nous empĂȘcher de connaĂźtre notre origine. TrĂšs prĂšs dans l'avenir, dans quelques annĂ©es, dans quelques mois ou peut-ĂȘtre demain, un mur s'Ă©lĂšve tout Ă  la fin pour nous empĂȘcher de connaĂźtre notre destin. Nous ignorons d'oĂč nous venons, nous ignorons oĂč nous allons. Nous sommes tous des Ă©garĂ©s. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 66, 67 Chacun a le droit, et peut-ĂȘtre le devoir, d'ĂȘtre heureux. Les traitĂ©s du bonheur et les recettes pour y parvenir sans trop de peine en quelques leçons ont fleuri un peu partout. J'ai contribuĂ© moi-mĂȘme Ă  cet engouement collectif et un peu forcĂ©. Peut-ĂȘtre faut-il rappeler que la recherche frĂ©nĂ©tique du bonheur ouvre le chemin le plus sĂ»r vers l'Ă©chec et le dĂ©goĂ»t. Le bonheur n'est pas un but, encore moins une carriĂšre ou une obligation, mais un don gratuit, une surprise ou la rĂ©compense de ceux qui ne passent pas leur temps Ă  le cultiver. Le bonheur n'est pas un exercice narcissique et solitaire. Il tombe, comme par hasard, sur la tĂȘte et dans le cƓur de ceux qui, loin de s'occuper d'eux-mĂȘmes, s'occupent plutĂŽt d'autre chose — et des autres. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 72 Le progrĂšs est une rĂ©alitĂ©. Le progrĂšs est une Ă©vidence. Le progrĂšs est une idole. Le progrĂšs est un mythe. Tout passe, tout Ă©volue, mais tout reste semblable. Le prince Salina, dans Le GuĂ©pard de Lampedusa revu par Visconti, l'avait dĂ©jĂ  dĂ©jĂ  devinĂ© rien ne change jamais que pour mieux se poursuivre. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 79 Une bonne partie, et la plus bruyante, de l'art d'aujourd'hui s'est dĂ©tournĂ©e de la beautĂ©. Une Ɠuvre d'art a encore le droit d'ĂȘtre belle. Elle peut aussi nourrir des ambitions diffĂ©rentes. Au lendemain de deux guerres mondiales et de la crise Ă©conomique, avec les progrĂšs de la science et la crainte de l'avenir, aprĂšs Rimbaud, Joyce, Picasso, Charlie Chaplin d'un cĂŽtĂ©, Barnum, la radio, le cinĂ©ma, la tĂ©lĂ©vision de l'autre, le rejet, le combat, la fureur, une Ă©thique parfois inversĂ©e ont pris la place de l'admiration, insĂ©parable de la beautĂ©. Les mĂ©dias et l'argent ont dĂ©trĂŽnĂ© la reconnaissance par les pairs et la gloire. Les metteurs en scĂšne l'ont emportĂ© sur les auteurs. Le commentaire sociologique s'est emparĂ© de l'art. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 90 Le problĂšme avec la vĂ©ritĂ©, qui est adĂ©quation de la pensĂ©e et de la rĂ©alitĂ©, conformitĂ© du langage au monde et Ă  son histoire, c'est qu'elle ne cesse de se dĂ©rober. Elle se situe volontiers sous l'invocation de la formule cĂ©lĂšbre d'un procureur de JudĂ©e au temps de l'empereur TibĂšre Qu'est-ce-que la vĂ©ritĂ© ? » Il n'y a de beautĂ© que parce qu'il y a des hommes pour la percevoir. Il n'y a de vĂ©ritĂ© — de mensonge — que parce qu'il y a une pensĂ©e et un langage pour la dĂ©couvrir — ou la dissimuler. InsĂ©parable de l'expression sous forme de voix ou d'Ă©criture, elle est aussi liĂ©e au mal qu'elle affronte et qu'elle dissipe. AssoiffĂ©e de reconnaissance, elle est fragile et toujours prĂȘte Ă  la bataille. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 93 Au-delĂ  des bouleversements de la science, de la technique, des mƓurs, de la religion qui dĂ©boussolaient les esprits, le dĂ©couragement des citoyens, le dĂ©sarroi des consciences, le fameux malaise dans la civilisation n'Ă©taient peut-ĂȘtre rien d'autre que les manifestations de la crise de la vĂ©ritĂ©. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 98 Les chrĂ©tiens ont deux convictions, et peut-ĂȘtre seulement deux. Ils croient Ă  Dieu comme source et comme sens de l'univers. Et ils croient Ă  un homme nommĂ© JĂ©sus en qui leur Dieu s'est incarnĂ© et qui enseigne conjointement l'amour de Dieu et l'amour des hommes. Puisque Dieu a choisi, dans sa puissance et dans sa gloire, de prendre visage humain, un peu de divinitĂ© est descendue sur ses crĂ©atures. Dieu se confond avec l'homme. L'homme se rapproche de Dieu. Le christianisme est une thĂ©ologie, mais est aussi un humanisme. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 114 La ConversationModifier Bonaparte J'ai l'imagination rĂ©publicaine et l'instinct monarchique. Je veux rĂ©tablir une monarchie qui soit rĂ©publicaine. Et ma RĂ©publique Ă  moi est romaine, militaire, guerriĂšre, conquĂ©rante. Mon modĂšle n'est pas Versailles, mon modĂšle est Rome. Et mon modĂšle n'est pas les Bourbons, mon modĂšle est CĂ©sar. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 90, 91 CambacĂ©rĂšs Vous avez rĂ©ponse Ă  tout. Vous ĂȘtes au-dessus des autres hommes. Dans les temps antiques, vous auriez, comme Alexandre, Ă©tĂ© un demi-dieu, un fils du roi des dieux. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 102, 103 Bonaparte L'imagination gouverne le monde. Elle est mon bien le plus prĂ©cieux. Je ne connais pas plus l'avenir que vous ou le commun des mortels. Mais, appuyĂ© sur une rĂ©flexion constante et sur des souvenirs qui sont nombreux et prĂ©cis, je le prĂ©pare avec beaucoup de soin. Je suis toujours tout entier Ă  ce que j'ai Ă  faire. Mes idĂ©es et mes projets, je les prends par le cou, par le cul, par les pieds, par la tĂȘte, et je les examine sous toutes leurs faces et je n'abandonne que quand je les ai Ă©puisĂ©s. Du coup, ce que j'ai arrĂȘtĂ© dans ma pensĂ©e, je le regarde comme dĂ©jĂ  exĂ©cutĂ© et je suis moins Ă©mu au moment de la rĂ©alisation de mes desseins qu'au moment de leur conception. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 114, 115 Une fĂȘte en larmesModifier Je crois que le monde change, je crois qu'il ne cesse de changer et de rester le mĂȘme, je crois que les hommes progressent et qu'ils montent vers quelque chose d'inconnu qui ressemble Ă  l'espĂ©rance et d'oĂč le mal ne sera pas extirpĂ©. Il est aussi ridicule de nier le progrĂšs que de le parer de toutes les vertus. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 44 Je suis de ceux qui croient Ă  un pĂ©chĂ© originel et Ă  la prĂ©sence d'un mal qui rentrera par la fenĂȘtre quand on l'aura chassĂ© par la porte. C'est ce monde-lĂ  qu'il nous faut non seulement supporter, mais aimer et dont il faut s'amuser. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 72 – À quoi ? demanda Clara avec une ombre d'insolence. – Mais Ă  la mort, lui dis-je. Ne le savez-vous pas ? Tout finit. Les amours Ă©ternels finissent aussi par finir. Vous finirez. Je finirai. Je suis prĂšs de finir. Vous ĂȘtes loin de finir parce que vous ĂȘtes jeune. Mais vous finirez aussi. C'est un malheur. Et, en un sens, c'est une chance. On peut dire que, sous le soleil et au-delĂ  du soleil, tout est triste et mal parce que tout finit. On peut dire aussi — et c'est pire, et c'est encore plus triste — que tout est bien parce que tout finit. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 156 C'est pour vous rappeler Ă  la rĂ©alitĂ©. L'amour lui-mĂȘme, qui est une des rares choses auxquelles nous puissions, dans cette vallĂ©e d'erreurs et de larmes, dans cette galerie de faux-semblants, ĂȘtre tentĂ©s de croire, est frappĂ© de malĂ©diction. Il l'emporte de trĂšs loin sur toutes les bassesses du monde — mais il lui appartient encore il en partage la misĂšre. Reflet du sacrĂ©, il est un rĂȘve, une nuĂ©e, une illusion scintillante. Un peu plus haut que tout le reste, il est une des facettes les plus brillantes et les plus enivrantes du nĂ©ant de ce monde. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 159 Plus sĂ»rement que toute autoritĂ©, lĂ©gitime ou non, la dĂ©mocratie, le vote, le socialisme, l'impĂŽt ont tuĂ© la rĂ©volution qui jouissait d'une santĂ© insolente dans l'opposition Ă  la monarchie ou Ă  la dictature, au moins tant qu'elles Ă©taient faibles ou dĂšs qu'elles le devenaient — et toutes les dictatures finissent, Ă  un moment ou Ă  un autre, par se relĂącher et s'affaiblir. Nous sommes entrĂ©s dans un monde non seulement unifiĂ© et trĂšs petit, mais souple, fluide, presque livide, mallĂ©able jusqu'Ă  l’inexistence et demain virtuel. Ce qui a pu faire naĂźtre la conviction que l'histoire est finie, avec ses idĂ©es de permanences et de rĂ©alitĂ©, ses structures, ses institutions, et qu'elle laissait la place Ă  autre chose. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 196 Et moi, je vis toujoursModifier Ce qu'il y a de merveilleux avec la guerre de Troie, c'est que, contrairement Ă  la rĂšgle qui veut que l'histoire soit la mĂšre de la poĂ©sie, c'est ici de la poĂ©sie que surgit enfin l'histoire. Presque tout ce que vous savez de la guerre de Troie sort de l'Iliade d'HomĂšre — dont nous ne savons pas grand-chose, pas mĂȘme s'il a vraiment existĂ©. L'Iliade de ce poĂšte inconnu, peut-ĂȘtre aveugle, peut-ĂȘtre lĂ©gendaire, mais en tout cas gĂ©nial, est la source de tout un pan immense de l'histoire universelle. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 26, 27 Avec HĂ©raclite Ă  ÉphĂšse et ParmĂ©nide en Grande-GrĂšce, l'oiseau de minerve, sa chouette, son hibou — la philosophie prend son envol. Pour HĂ©raclite, tout passe, tout change, rien ne dure. On ne se baigne jamais deux fois dans le mĂȘme fleuve. L'univers n'est qu'une succession d'illusions Ă©phĂ©mĂšres. Pour ParmĂ©nide, c'est le contraire. Le monde est solide et dense. Un mot le rĂ©sume l'ĂȘtre. L'ĂȘtre est, un point c'est tout. Beaucoup s'imaginent qu'il peut y avoir un nĂ©ant, du non-ĂȘtre. C'est une erreur. L'ĂȘtre est. Le non-ĂȘtre n'est pas et il ne faut pas en parler. Toute l'histoire de la philosophie Ă  venir sort de l'opposition entre HĂ©raclite et ParmĂ©nide. Platon et Spinoza seront du cĂŽtĂ© de ParmĂ©nide et de sa substance infinie et Ă©ternelle. Hegel et Marx seront du cĂŽtĂ© d'HĂ©raclite. Ils reconnaĂźtront en lui le maĂźtre de la dialectique. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 32, 33 Nous devons tout Ă  la GrĂšce et Ă  Rome. Et pourtant, tout au long de ces siĂšcles de puissance et de gloire, un seul Ă©vĂ©nement, le plus inaperçu d'abord et le plus dĂ©cisif sans doute de l'histoire des hommes, s'inscrit soudain dans l'espace et le temps un enfant naĂźt sous le rĂšgne d'Auguste. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 45, 46 L'histoire prend souvent des chemins dĂ©tournĂ©s pour parvenir Ă  son but. Dieu se sert de lignes courbes pour Ă©crire trĂšs droit. Ce ne sont pas les empereurs, ce ne sont pas les puissants de ce monde, ce ne sont pas les riches dont JĂ©sus ne dit pas de bien qui font triompher le christianisme. Ce sont les pauvres, les esclaves, les femmes — et les barbares. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 47 Corneille, si je ne me trompe, c'est un théùtre d'hommes avec des femmes ; Racine, c'est un théùtre de femmes avec des hommes. Chez Corneille, la volontĂ© l'emporte sur la passion ; chez Racine, la passion l'emporte sur la volontĂ©. Corneille nous montre des hĂ©ros triomphants ; Racine, des victimes condamnĂ©es. Pour Corneille, la tragĂ©die est une grande aventure hĂ©roĂŻque qui peut finir bien ; pour Racine, c'est une aventure personnelle et intime qui ne peut finir que mal. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 157 Le miracle français Ă©tait politique, Ă©conomique et militaire. Il Ă©tait surtout littĂ©raire, intellectuel, artistique et culturel. Il Ă©tait liĂ© Ă  des victoires, au commerce, Ă  l'industrie, Ă  la multiplication des ateliers, au savoir-faire de nos artisans. Il reposait d'abord sur l'usage et le triomphe d'une langue qui allait devenir la langue de l'Europe et donner Ă  la France, pour un siĂšcle, et peut-ĂȘtre pour un peu plus, le premier rang dans le monde. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 170 Le XVIIe est un siĂšcle d'Ă©crivains. le XVIIIe est un siĂšcle d'intellectuels. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 173 Dans beaucoup de rĂ©gions, et notamment dans cette Europe qui continue Ă  rĂ©gner sur le monde, la bourgeoisie domine les deux siĂšcles qui succĂšdent Ă  l'Ancien RĂ©gime, Ă  la RĂ©volution et Ă  l'Empire. Beaucoup de dĂ©finitions ont Ă©tĂ© donnĂ©es du bourgeois. Il est rĂ©servĂ© et il a des rĂ©serves. Il ne s'engage jamais tout entier. Il a plus d'intĂ©rĂȘts que d'idĂ©al. Il aime le confort et il est conformiste. Il est prudent, sĂ»r de lui, parfois chafouin, affolĂ© de culture, prĂšs de ses sous. Il se rĂ©clame d'un passĂ© d'ailleurs plutĂŽt rĂ©cent, d'un art souvent moderne pour essayer de donner le change, de la tradition, de la beautĂ©. Il tente toujours de passer pour audacieux, mais il craint l'avenir, les artistes et l'amour. Il est plus familier des banques et des assurances que de l'agriculture et de la pĂȘche en haute mer. Tout tient en un seul mot l'argent. Orgueilleux et hautains, les aristocrates mĂ©prisaient un argent dont ils manquaient rarement. Les bourgeois ont un faible pour l'argent — mĂȘme celui qu'ils n'ont pas et aprĂšs lequel ils ne cessent jamais de courir. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 214 DĂ©clenchĂ©e par un fait divers presque dĂ©risoire, qui sert de prĂ©texte Ă  des haines recuites, la Grande Guerre est une guerre civile aux dimensions mondiales. DĂ©noncĂ©e par un petit nombre de grands esprits qui, d'un cĂŽtĂ© comme de l'autre, passent aussitĂŽt pour des traĂźtres, elle va provoquer de grandes souffrances dans les deux camps, entraĂźner la mort de plus huit millions d'ĂȘtres humains et ouvrir la voie au dĂ©clin de l'Europe. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 233 EssaisModifier Une autre histoire de la littĂ©rature française, IIModifier Villon, Ă©crit KlĂ©ber Haedens, est le seul cambrioleur professionnel qui ait lĂ©guĂ© une grande Ɠuvre Ă  la littĂ©rature française. C'est un mauvais garçon, un marlou, un truand, un assassin. Il est, avec un talent qui touche parfois au gĂ©nie, l'ancĂȘtre de nos dĂ©linquants des quartiers difficiles. Il annonce de loin Jean Genet, dĂ©serteur et voleur. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 13 Qu'est-ce qui est au cƓur de Marguerite Yourcenar ? Je dirais deux choses surtout. Commençons par la moins importante le savoir, l'Ă©rudition, une connaissance approfondie de l'histoire de la culture.[...] L'essentiel de Yourcenar est pourtant encore ailleurs. Il est dans une exigence qui va Ă  contre-courant des tendances de l'Ă©poque. Pour dire les choses d'un mot, elle se mĂ©fie du bonheur. Elle mĂ©prise le bonheur et elle lui oppose le service, qui est peut-ĂȘtre le mot clĂ© de sa personne et de son Ɠuvre. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 354 Le dĂ©senchantement ne rĂ©clame pas de longues tartines. Ce que le chagrin fait de mieux, c'est de se murer dans son silence. Cioran coupe en deux la poire du dĂ©sespoir. Il ne se rĂ©pand pas, Ă  la façon de Rolla ou de Childe Harold, en lamentations lyriques, il ne se tait pas non plus tout Ă  fait il procĂšde par coups de semonce, par Ă©clats mesurĂ©s, par proverbes plus noirs que ceux de Blake ou de Pierce qui se rĂ©clamaient pourtant du diable, par aphorismes et apophtegmes. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 384 PresseModifier La culture, depuis peu, s'Ă©crit avec un C » majuscule — ce n'est pas bon signe — on parle de Culture et Communication — on pense Culture et Propagande. La culture est devenue un grand mot et une prĂ©occupation mĂ©diocre. Quand j'entends parler de culture, je sors mon carnet de chĂšques. Disons d'abord — ce sera plus court — ce que la culture n'est pas. Elle n'est pas un devoir. Elle n'est pas une obligation. Elle n'est pas un dĂźner de gala. Elle n'a rien Ă  voir avec le gouvernement. Elle serait plus proche d'une façon d'ĂȘtre, d'un coup de foudre, d'une fĂȘte toujours inachevĂ©e du bonheur — ou peut-ĂȘtre de joie. Elle est une longue patience et une tĂąche infinie — comme l'amour chez Proust, elle est l'espace et le temps rendus sensibles au cƓur. Elle est plus orgueilleuse et plus modeste que tout ce que l'on pourrait imaginer. La culture vivante », Jean d'Ormesson, Grandes signatures, nÂș 1, avril 2008, p. 7 Citation choisie pour le 3 janvier 2009. L'islam est une belle et grande religion. Son prophĂšte est l'un des hommes trĂšs rares qui ont bouleversĂ© le monde et transformĂ© de fond en comble le destin des hommes. La Chronique du temps qui passe », Jean d'Ormesson, Le Figaro Magazine, nÂș 13827, 11 fĂ©vrier 1989, p. 9 L'islam est une grande et belle religion. Il faut la reconnaĂźtre, la respecter, l'honorer. L'appel de Jean d'Ormesson pour les ChrĂ©tiens d'Irak », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 2 aoĂ»t 2014 lire en ligne La civilisation musulmane est Ă  l'origine de quelques-unes des plus belles rĂ©alisations du gĂ©nie humain. Daech dĂ©shonore cette grandeur de l'islam. Nous sommes en guerre » », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 22 dĂ©cembre 2014 lire en ligne ÉmissionModifier Est-ce que vous voulez qu'on dise des choses un peu dangereuses. Et bien, je dirais que je souhaite aussi que nous fassions la mĂȘme chose dans les annĂ©es qui viennent avec les musulmans. Je vais me faire incendier, l'islam n'est pas reprĂ©sentĂ© Ă  l'AcadĂ©mie. Il serait normal que l’islam soit reprĂ©sentĂ© Ă  l’AcadĂ©mie française. Je pense que cela se fera. Il faut laisser un peu de temps. L'AcadĂ©mie est une vieille dame, qui a beaucoup de mal Ă  accueillir de nouveaux jeunes gens [...] Je serais heureux qu'il y ait un reprĂ©sentant de l' l'entrĂ©e d' Alain Finkielkraut Ă  l'AcadĂ©mie française, l'Ă©crivain et acadĂ©micien Jean d'Ormesson en a profitĂ© pour formuler un souhait celui de voir un reprĂ©sentant de l'islam intĂ©grer cette prestigieuse institutionJean d'Ormesson, Entretien avec Jean d’Ormesson, Public SĂ©nat, 28 janvier 2016 Citations rapportĂ©esModifier On ne brĂ»le pas encore les livres, mais on les Ă©touffe sous le silence. La censure, aujourd’hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas les livres d’adversaires, ce ne sont pas les idĂ©es sĂ©ditieuses que l’on condamne au bĂ»cher de l’oubli ce sont tous les livres et toutes les idĂ©es. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple parce qu’ils n’attirent pas assez de public, parce qu’ils n’entraĂźnent pas assez de publicitĂ©, parce qu’ils ne rapportent pas assez d’argent. La dictature de l’audimat, c’est la dictature de l’argent. C’est l’argent contre la culture 
 On pouvait croire naĂŻvement que le service public avait une vocation culturelle, Ă©ducative, formatrice, quelque chose, peut-ĂȘtre, qui ressemblerait Ă  une mission. Nous nous trompions trĂšs fort. Le service public s’aligne sur la vulgaritĂ© gĂ©nĂ©rale. La RĂ©publique n’a pas besoin d’ le Figaro du 10 dĂ©cembre 1992, Ă  propos de la suppression par FR3 de l’émission littĂ©raire CaractĂšres. Vous pouvez Ă©galement consulter les articles suivants sur les autres projets WikimĂ©dia A la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos Parents. On croit qu’ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, Ă  une station, nos Parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage. Au fur et Ă  mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train. Et elles seront importantes notre fratrie, nos amis, nos enfants, mĂȘme l’amour de notre vie. Beaucoup dĂ©missionneront mĂȘme Ă©ventuellement l’amour de notre vie, et laisseront un vide plus ou moins grand. D’autres seront si discrets qu’on ne rĂ©alisera pas qu’ils ont quittĂ© leurs siĂšges. Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes, de bonjours, d’au-revoirs et d’adieux. Le succĂšs est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mĂȘmes On ne sait pas Ă  quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et pardonnons. Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs Ă  ceux qui continueront leur voyage. Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique. Aussi, merci d’ĂȘtre un des passagers de mon train. Et si je dois descendre Ă  la prochaine station, je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous. Je veux dire Ă  chaque personne qui lira ce texte que je vous remercie d’ĂȘtre dans ma vie et de voyager dans mon train. Dans sa belle maison de Neuilly, une matinĂ©e de dĂ©but de semaine. Elle se tient le plus souvent en retrait des mĂ©dias. Elle parle pour parler de lui. ­Françoise et Jean d'Ormesson. Ils se sont mariĂ©s en 1962. Ils sont restĂ©s ensemble durant cinquante-cinq ans. Ils se sont souvent trompĂ©s, mais toujours aimĂ©s. Françoise d'Ormesson est assise Ă  cĂŽtĂ© de moi, Ă©lĂ©gante, dans un canapĂ© du rez-de-chaussĂ©e. "Ma fille et ma petite-fille me disent que je peux paraĂźtre hautaine et dure quand on ne me connaĂźt pas. Je suis rĂ©servĂ©e, mais je ne suis pas dure." Elle parle de Jean d'Ormesson sans miĂšvrerie. L'acadĂ©micien est mort le 5 ­dĂ©cembre 2017 dans ses bras . Sa vie a changĂ©. Elle a du mal Ă  trouver le sommeil la nuit et le bonheur le jour. Il a Ă©tĂ© sa seule aussi - "C’était Jean", l’hommage Ă  Jean d’Ormesson par son Ă©ditriceL'enfance "Ses deux uniques passions Ă©taient les affaires et les femmes"Françoise d'Ormesson est l'une des trois filles de Ferdinand BĂ©ghin. Le patriarche autoritaire a Ă©tĂ© un cĂ©lĂšbre industriel du sucre. Françoise est nĂ©e entre Roselyne et Pascaline. "J'ai eu une enfance privilĂ©giĂ©e sans ĂȘtre heureuse. Mon pĂšre Ă©tait strict et ­sĂ©vĂšre. Il Ă©tait un grand capitaine d'industrie. Ses deux uniques passions Ă©taient les affaires et les femmes. Ma mĂšre a Ă©tĂ© malade jeune. Elle Ă©tait souvent alitĂ©e. Je n'ai pas de souvenir de ma mĂšre me prenant dans ses bras. J'Ă©tais trĂšs attachĂ©e Ă  elle. Je me suis mariĂ©e la derniĂšre. J'ai vĂ©cu avec ma mĂšre jusqu'Ă  l'Ăąge de 24 ans. Elle est partie d'une crise cardiaque alors que j'avais 28 ans. J'Ă©tais en Suisse quand elle est morte chez elle. Je me suis prĂ©cipitĂ©e, mais il Ă©tait trop tard. Je n'ai pas pu ĂȘtre lĂ , auprĂšs d'elle."La vie de Jean "Il avait dĂ©cidĂ© que rien n'Ă©tait tragique"De 1962 Ă  2017. Ils ont vĂ©cu ensemble durant cinquante-cinq ans. "Jean Ă©tait la joie de vivre et la bonne humeur mĂȘmes. Tout n'a pas Ă©tĂ© un chemin de roses durant notre mariage. Mais Jean avait dĂ©cidĂ© que rien n'Ă©tait tragique. Il transformait les choses les plus graves en choses les plus lĂ©gĂšres. Il rĂ©ussissait Ă  vous faire honte de votre propre angoisse. Combien de fois l'ai-je entendu dire tout cela est ridicule, aucune importance, changeons de sujet. À chaque repas, il avait quelque chose d'amusant Ă  me raconter. La vie avec lui Ă©tait un rire continu. Nous parlions de tout, sauf de son travail d'Ă©crivain en cours. Nous avions chacun notre caractĂšre. Je suis dĂ©terminĂ©e et optimiste. Je ne suis pas indiffĂ©rente."L'infidĂ©litĂ© "La vĂ©ritable fidĂ©litĂ© est celle du coeur"Durant leur mariage, ils ont eu des liaisons amoureuses chacun de leur cĂŽtĂ©. "Je n'aurais pas pu vivre heureuse Ă  ses cĂŽtĂ©s si j'avais pensĂ© que la fidĂ©litĂ© est le ciment du couple. La vĂ©ritable fidĂ©litĂ© est celle du coeur la complicitĂ©, la tendresse, le respect. La sexualitĂ© et les sentiments sont parfois deux choses divergentes. Durant nos cinquante-cinq annĂ©es de ­mariage, l'infidĂ©litĂ© n'a jamais Ă©tĂ© un ­problĂšme au sein de notre couple. Il n'en parlait pas, je n'en parlais pas. Je suis devenue amie avec certaines des femmes qu'il a aimĂ©es parce qu'elles m'Ă©taient sympathiques. Mes aventures Ă©taient de simples distractions, quand il y avait des bas dans notre couple. La pĂ©riode oĂč il a Ă©tĂ© directeur du Figaro a Ă©tĂ© la plus pĂ©nible. Jean Ă©tait soudainement de mauvaise humeur. Il n'Ă©tait pas fait pour ĂȘtre directeur. Il dĂ©testait donner des ordres et commander les autres. Il ne supportait pas les obligations et les contraintes. Il Ă©tait d'ailleurs contre le mariage en tant qu'institution. Jean avait une passion pour sa fille, mais il ne s'en est jamais occupĂ©. Je suis devenue plus libre Ă  son contact."La vie quotidienne "Jean ne savait pas faire cuire un oeuf"Ils se sont aimĂ©s dans une alchimie souvent incomprĂ©hensible aux autres. "Jean savait que j'avais fait de sa vie un jardin Ă  la française. Je lui ai rendu le quotidien agrĂ©able. Jean ne savait pas faire cuire un oeuf. Je me souviens d'un matin oĂč je conduisais ma fille, HĂ©loĂŻse, Ă  Levallois-­Perret. Elle passait son brevet. De son cĂŽtĂ©, Jean devait se rendre Ă  l'Unesco Ă  Bruxelles. Je lui ai dit 'Le plus simple est d'attraper le mĂ©tro Porte-Maillot, de changer Ă  Charles-de-Gaulle-Étoile, puis de prendre la direction de la gare du Nord. Tu en as pour moins de trente minutes.' Je suis allĂ©e conduire ­HĂ©loĂŻse et, Ă  mon retour, j'ai retrouvĂ© Jean devant la maison. Il Ă©tait ivre de rage 'Tu ne m'avais pas dit que je devais changer de ticket Ă  l'Étoile.' Jean avait ratĂ© son train et Ă©tait revenu au point de dĂ©part. Nous nous disputions ­rarement, sauf quand je touchais Ă  ses affaires. Il Ă©tait dĂ©sordonnĂ© alors que je suis ordonnĂ©e. Il ne fallait pas dĂ©placer un seul de ses papiers. Avec lui, la maison Ă©tait un rĂ©el foutoir."Le prix Jean d'Ormesson "La littĂ©rature a Ă©tĂ© sa grande passion"Le prix a Ă©tĂ© créé Ă  la suite du dĂ©cĂšs de Jean d'Ormesson par la famille et les amis de l'acadĂ©micien. Le jury, composĂ© de gens qu'il aimait, sĂ©lectionne des ­romans qu'il aurait aimĂ©s. Françoise d'Ormesson en est la prĂ©sidente. "François Nourissier a disparu de la mĂ©moire collective. Je n'ai pas d'explication. Je ne pense pas que cela arrivera Ă  Jean, mais je n'en sais rien. La littĂ©rature a Ă©tĂ© la grande passion de Jean. Il lisait essentiellement les classiques et beaucoup de poĂ©sie. Il aimait la philosophie et apprenait sans cesse des poĂšmes. Il lisait, relisait. Il s'intĂ©ressait peu Ă  la littĂ©rature actuelle. Le dernier livre que je lui ai recommandĂ© est Le Lambeau, de Philippe Lançon. Les derniers mois de sa vie, Jean avait appris par cƓur un poĂšme de Marguerite Yourcenar. Il le rĂ©citait sans arrĂȘt."L'histoire d'amour "Jean n'a cessĂ© de s'amĂ©liorer"Un roman magnifique. La Seule Histoire, de Julian Barnes, est en lice pour le prix Jean-d'Ormesson. L'auteur en est persuadĂ© nous aurions un seul premier et vĂ©ritable amour. Il dĂ©terminerait notre vie entiĂšre. Les autres relations ne pourraient se comprendre qu'en regard de ce premier amour. "Jean a Ă©tĂ© ma seule histoire. J'ai vu Jean changer au fil du temps. Il n'a cessĂ© de s'amĂ©liorer, mĂȘme physiquement. Sa voix est devenue plus posĂ©e et moins aiguĂ«. Il a gagnĂ© en sĂ©rĂ©nitĂ©, mĂȘme s'il n'a jamais Ă©tĂ© une nature angoissĂ©e. Je me souviens d'un dĂźner avec un ami psychiatre. Jean lui a demandĂ© pouvez-vous m'expliquer ce qu'est l'angoisse? Je ne sais pas comment il Ă©tait au plus profond de lui-mĂȘme. Jean devait quand mĂȘme connaĂźtre des moments de tourment. Je le voyais parfois dĂ©chirer, au bout d'une journĂ©e, tout ce qu'il avait Ă©crit."La cĂ©lĂ©britĂ© "Il Ă©tait presque devenu une rock star"Jean d'Ormesson est devenu, peu Ă  peu, une icĂŽne. "Dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, les mĂ©decins souhaitaient qu'il marche rĂ©guliĂšrement. Nous allions nous promener ensemble, l'aprĂšs-midi, dans le bois. Il Ă©tait sans cesse arrĂȘtĂ© pour un selfie, une signature, une interview, un conseil. Il Ă©tait presque devenu une rock star. Jean Ă©tait heureux de voir les nouvelles gĂ©nĂ©rations s'intĂ©resser Ă  lui. Il notait que le temps oĂč les jeunes gens allaient vers lui pour lui dire 'ma grand-mĂšre vous adore' Ă©tait rĂ©volu. Les jeunes gens l'aimaient et le lisaient."L'indiffĂ©rence "Il avait une grĂące"Dans son Dictionnaire amoureux de Jean d'Ormesson Plon, Jean-Marie Rouart pointe chez l'acadĂ©micien une facultĂ© Ă  ĂȘtre indiffĂ©rent sans le montrer. Françoise d'Ormesson se rappelle surtout l'enchanteur. "Jean Ă©tait indiffĂ©rent dans le sens oĂč il ne faisait pas d'effort avec les gens qui ne l'intĂ©ressaient pas. Il n'Ă©tait pas un mondain. Il dĂ©testait sortir, il dĂ©testait la mondanitĂ©. On recevait rĂ©guliĂšrement, mais un cercle restreint d'amis. Jean Ă©tait comme un poisson dans l'eau dans tous les milieux. Il avait une grĂące. Il savait mettre les gens Ă  l'aise. Quand on Ă©tait parmi une petite foule, je lui dĂ©signais une personne en lui disant elle ne t'aime pas. Au bout d'Ă  peine cinq minutes, Jean ne pouvait s'empĂȘcher de partir Ă  sa conquĂȘte. Ils devenaient aussitĂŽt les meilleurs amis du monde. Il sĂ©duisait tout le monde. Jean aimait rĂ©ellement les femmes. Il avait aimĂ© travailler avec des femmes Ă  l'Unesco. La misogynie lui Ă©tait totalement Ă©trangĂšre. Il ne pouvait mĂȘme pas comprendre que l'on soit misogyne."La politique "Nicolas Sarkozy et Jean avaient un vrai lien amical"Françoise et Jean d'Ormesson ont toujours Ă©tĂ© liĂ©s Ă  Nicolas Sarkozy. "HĂ©loĂŻse est plus Ă  gauche que moi et moi je suis moins Ă  droite que Jean. Nicolas et Jean avaient un vrai lien amical. Leur amitiĂ© est nĂ©e de la littĂ©rature. ­Nicolas nous a invitĂ©es, HĂ©loĂŻse et moi, Ă  dĂ©jeuner tout rĂ©cemment. Durant le dĂ©jeuner, nous avons parlĂ© exclusivement de littĂ©rature. Nicolas n'a parlĂ© que de ses lectures. Les gens qui m'intĂ©ressent sont ceux qui sont les mĂȘmes dans la vie privĂ©e et dans la vie publique. Il n'existait pas de dĂ©calage entre Jean en privĂ© et Jean en public. En rentrant un jour de Brive en train, avec HĂ©loĂŻse, Jean a tenu Ă  aller saluer le cheminot qui conduisait le train. Il aimait ĂȘtre aimĂ©."L'Ă©crivain du bonheur "La seule blessure de sa vie reste son pĂšre"Il a ­incarnĂ© en France, comme peu de romanciers, un certain bonheur de vivre. "La grande et seule blessure de sa vie reste son pĂšre. Jean est parti un temps avec l'Ă©pouse de son cousin germain. Son pĂšre est mort en pensant que son fils Ă©tait un bon Ă  rien. Le regard paternel a Ă©tĂ© dĂ©terminant dans la vie de Jean. L'AcadĂ©mie et Le Figaro ont aussi Ă©tĂ© lĂ  pour combler les espoirs que son pĂšre avait placĂ©s en lui. Jean n'Ă©prouvait pas de culpabilitĂ© vis‑à-vis des autres, mais il en a Ă©prouvĂ© vis‑à-vis de son pĂšre. Jean n'a ­jamais cherchĂ© de figure paternelle, mais les autres ont souvent cherchĂ© une figure paternelle en lui."La vie sans Jean "Je serai aujourd'hui enchantĂ©e de disparaĂźtre"Françoise ­d'Ormesson ne cache pas, aujourd'hui, sa difficultĂ© Ă  vivre sans lui. "Ma fille, HĂ©loĂŻse, et ma petite-fille, ­Marie-Sarah, sont lĂ . Mes amies sont prĂ©sentes. J'ai essentiellement des amies femmes car je ne crois pas en l'amitiĂ© entre hommes et femmes. Il y en a toujours un qui est amoureux de l'autre. Je n'imagine pas un seul instant la vie que j'aurais pu avoir si je n'avais pas rencontrĂ© Jean. Je ne me ­demande pas ce que j'aurais fait en dehors de lui, mais je me demande ce que j'aurais fait sans lui. Il a Ă©tĂ© ma seule histoire. Depuis sa mort, la vie a cessĂ© d'ĂȘtre lĂ©gĂšre. J'ai perdu, Ă  un mois d'intervalle, ma sƓur Pascaline et Jean. Depuis, je tiens, mais je tiens difficilement. Nous avons dispersĂ© les cendres de Jean Ă  Venise. Nous avons pris un bateau et sommes allĂ©s devant la douane de mer. Nous avons jetĂ© un crayon et un bouquet de fleurs. J'y retourne demain. Je serais aujourd'hui totalement enchantĂ©e de disparaĂźtre. La vie sans Jean est morne. Je tente de la rendre douce pour HĂ©loĂŻse et ­Marie-Sarah. J'Ă©coute des interviews de Jean. Je ne veux pas perdre sa voix. Je n'ai jamais envisagĂ© sa mort, mĂȘme lorsqu'il Ă©tait malade. Mes derniers souvenirs heureux seront Ă  jamais liĂ©s Ă  lui. La foi est un rĂ©confort, mais je m'interroge. Quand et comment vais-je retrouver Jean?" Click here to load readerTRANSCRIPTLe train de la vieIl y a quelque temps, j'ai lu un livre o la vie tait compare un voyage dans un lecture trs vie est comme un voyage dans un train on monte et on descend , il y a des accidents, certains arrts il y a des surprises et d'autres il y a une profonde tristesse. Wenn wir geboren werden und in den Zug einsteigen, treffen wir Menschen, von denen wir gauben, dass sie uns whrend unserer ganzen Reise begleiten werden unsere Eltern. Quand on nat et qu'on monte dans le train, nous rencontrons des personnes et nous croyons qu'elles resteront avec nous pendant toute le voyage ce sont nos parents ! Malheureusement la vrit est toute autre. Eux ils descendent dans une gare et ils nous laissent sans leur amour et leur affection, sans leur amiti et leur tous cas, il y a d'autres personnes qui montent dans le train et qui seront pour nous trs sont nos frres et nos soeurs, nos amis et toutes les personnes merveilleuses que nous considrent le voyage comme un petite ne trouvent que de la tristesse pendant leur voyage. Il y a d'autres personnes toujours prsentes et toujours prtes aider ceux qui en ont besoin. Certains, quand ils descendent, laissent une nostalgie pour toujours. D'autres montent et descendent tout de suite et nous avons tout juste le temps de les croiserNous sommes surpris que certains passagers que nous aimons, s'assoient dans un autre wagon et que pendant ce temps nous laissent voyager personne peut nous empcher de les chercher partout dans le malheureusement nous ne pouvons pas nous asseoir ct d'eux car la place est dj n'est pas gravele voyage est comme a plein de dfis, de rves, d'espoirs, d' sans retour. Essayons de faire le voyage de la meilleure faon de comprendre nos voisins de voyage et cherchons le meilleur en chacun d'entre qu' chaque moment du voyage un de nos compagnons peut vaciller et peut avoir besoin de notre aussi pouvons vaciller et il y aura toujours quelqu'un pour nous grand mystre du voyage est que nous ne savons pas quand on descendra du train pour toujours. Nous ne savons pas non plus quand nos compagnons de voyage feront la mme chose. Mme pas celui qui est assis juste cte de je pense que je serai triste de quitter le suis sr!La sparation davec tous les amis que j'ai rencontrs dans le train sera douloureuse. Laisser mes proches seuls sera trs triste. Mais je suis sr qu'un jour ou l'autre j'arriverai la gare centrale et je les reverrai tous arriver avec un bagage qu'ils n'avaient pas quand il sont monts dans le contre, je serai heureux d'avoir contribu a augmenter et enrichir leur bagage. Nous tous mes amis, faisons tout le possible pour faire un bon voyage et essayons de laisser un bon souvenir de nous au moment o nous descendrons du train. A ceux qui font partie de mon train, je souhaite unBONVOYAGE!Dautres sur site des meilleurs diaporamas humoristiques[Attention le passage du pointeur de souris dans ce cadre dclenche un lien vers le site] EtĂ© 2012, sur sa terrasse de Saint-Florent, en Corse, avec Jean-Marie Rouart. © Kasia Wandycz 22/09/2013 Ă  0845, Mis Ă  jour le 05/12/2017 Ă  0813 Le plus ouvert des patriarches de la littĂ©rature française Ă©tait aussi le plus secret. Pour son ami Jean-Marie Rouart, il avait tombĂ© le masque en 2013. Jean-Marie Rouart. Vous ĂȘtes un phĂ©nomĂšne atypique dans la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui, qui pourtant ne cesse de vous fĂȘter, alors que socialement, culturellement, politiquement vous incarnez l’élite de l’élite et semblez en rupture avec elle. Etes-vous une exception dans l’exception française ? Jean d’Ormesson. Je crois profondĂ©ment Ă  l’égalitĂ© entre les ĂȘtres humains. J’ai eu de la chance dans la vie. Quand j’étais jeune, le mot â€œĂ©lite” me faisait rire et le seul mot de “rĂ©ussite” me paraissait louche. Il me semblait qu’il y avait mieux Ă  faire que de “rĂ©ussir”. La rĂ©ussite m’a rattrapĂ©. J’y attache trĂšs peu d’importance. Ce qui compte, pour moi, ce sont les livres. Cette sociĂ©tĂ© actuelle vous l’aimez, bien qu’elle semble si diffĂ©rente de vous ? J’ai souvent enviĂ© le sort de ceux qui vivaient Ă  AthĂšnes au temps de PĂ©riclĂšs. Mais le siĂšcle de PĂ©riclĂšs, entourĂ© de tant de gĂ©nies, est aussi l’époque de l’effroyable guerre du PĂ©loponnĂšse. La sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui manque sans doute de hauteur, de grandeur et de sens du prochain. En France, surtout, et en Europe, nous ne vivons pas une grande Ă©poque de l’Histoire. Je m’arrange de ce temps qui, comme par un miracle toujours renouvelĂ© et en dĂ©pit de ce que nous appelons le “progrĂšs” – et je suis de ceux qui y croient –, n’est pas meilleur que les autres. Mais pas pire non plus. Une sorte de moyenne et de mĂ©diocritĂ©. La suite aprĂšs cette publicitĂ© Qu’apprĂ©ciez-vous le moins en elle ? L’imposture, relayĂ©e le plus souvent par la mode et Ă©levĂ©e Ă  la hauteur d’un sport national. J’ai souvent le sentiment qu’en politique, en art, en littĂ©rature, dans la vie quotidienne, on veut nous faire prendre les vessies pour des lanternes. La suite aprĂšs cette publicitĂ© Etes-vous favorable au mariage pour tous ? Je suis pour l’extension aux homosexuels de la quasi-totalitĂ© des droits civiques, moraux, matĂ©riels, financiers qu’ils rĂ©clament Ă  juste titre. Ma rĂ©serve Ă  l’égard du “mariage pour tous” – quelle formule ridicule ! – est purement grammaticale. Les mots ont un sens. Le terme “mariage” a un sens prĂ©cis. Il aurait fallu, comme en Allemagne, trouver un autre nom. ConsidĂ©rez-vous qu’il faille punir la Syrie ? Je crois qu’il est inutile et qu’il ne convient pas d’ajouter encore au malheur des Syriens. Je suis horrifiĂ© par Bachar El-Assad et, en mĂȘme temps, sceptique sur les forces qui pourraient le remplacer elles me paraissent trĂšs proches de celles que nous avons combattues en Afghanistan et au Mali. La suite aprĂšs cette publicitĂ© La suite aprĂšs cette publicitĂ© Vous aimiez beaucoup Mitterrand, vous Ă©tiez trĂšs favorable Ă  Sarkozy. Que pensez-vous de Hollande ? Hollande a pour lui une faible majoritĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale et au SĂ©nat. Et il a contre lui une forte majoritĂ© de Français, excĂ©dĂ©s par les impĂŽts, par les promesses non tenues, par l’insĂ©curitĂ©, par le laxisme de la Place VendĂŽme et par l’incohĂ©rence et les perpĂ©tuels louvoiements du Ă©voquez votre famille dans votre dernier livre. Celui dont vous parlez le moins, c’est votre pĂšre
 J’ai beaucoup parlĂ© de mon pĂšre, rĂ©publicain, dĂ©mocrate, jansĂ©niste, dans mes livres prĂ©cĂ©dents. Nos relations Ă©taient tendres et confiantes. Mais mon pĂšre est mort persuadĂ© que j’étais un voyou. Ma conduite, l’idĂ©e que je me faisais des plaisirs de l’existence et des moyens pour y parvenir et, surtout, un Ă©pisode de ma vie sentimentale l’ont dĂ©sespĂ©rĂ©. C’est un remords dont j’ai parlĂ© dans “Qu’ai-je donc fait”. Avez-vous reçu des gifles ? Des fessĂ©es ? Les fessĂ©es m’étaient donnĂ©es – dans les cas les plus graves, avec une brosse Ă  cheveux – par ma gouvernante allemande que j’adorais et qui s’appelait Lala. Ni mon pĂšre ni ma mĂšre n’ont jamais levĂ© un doigt contre moi. Une fois, pourtant, j’ai reçu une gifle – assez douce – de mon pĂšre. C’est mon souvenir le plus ancien. Je dois avoir 6 ans. Je suis au balcon de la lĂ©gation de France Ă  Munich lorsque je vois passer, sous des drapeaux rouges frappĂ©s d’une sorte de croix noire et bizarre sur un centre blanc, un cortĂšge de jeunes gens qui chantent – trĂšs bien – sous les applaudissements de la foule. Je me mets Ă  applaudir moi-mĂȘme. Et mon pĂšre me flanque une claque. En avez-vous donnĂ© Ă  votre fille, HĂ©loĂŻse ? Avez-vous Ă©tĂ© un bon pĂšre ? Ai-je Ă©tĂ© un bon pĂšre ? J’ai pour ma fille une tendre affection septembre et mĂȘme de l’admiration. Mais je crains d’avoir Ă©tĂ© un pĂšre guettĂ© par le narcissisme et plus prĂ©occupĂ© de mes manuscrits que de ma fille, entiĂšrement Ă©levĂ©e par une mĂšre digne de tous les Ă©loges. Je n’ai Ă©videmment jamais donnĂ© de fessĂ©e Ă  ma fille. Dans votre livre, vous Ă©voquez le chĂąteau de Saint-Fargeau. Vous-mĂȘme, vous sentez-vous aristocrate ? La gĂ©nĂ©alogie, les quartiers de noblesse, ça vous intĂ©resse ? La rĂ©ponse aux deux questions est non. Cela dit, je suis fier de ma famille. Il s’agit simplement, dans les limites du possible, de ne pas en ĂȘtre trop image, votre lĂ©gende, c’est le bonheur, un insolent bonheur. Pourtant, vous avez bien dĂ» connaĂźtre des moments douloureux. “Il est indigne des grandes Ăąmes de faire part des troubles qu’elles Ă©prouvent.” Je ne suis pas une “grande Ăąme”, mais je pense sur ce point comme Vauvenargues."L’idĂ©e de la mort ne m’occupe pas tout entier. Je l’ attends avec une humble espĂ©rance" De Gaulle a connu plusieurs fois la tentation du suicide. Et vous ? Je fais profession d’aimer la vie. Merci pour les roses et merci pour les Ă©pines. Avez-vous eu le sentiment d’ĂȘtre trahi ? Quand ? A quelle occasion ? Je n’ai jamais eu le sentiment d’ĂȘtre trahi par qui que ce soit. Ou alors, j’ai oubliĂ©. Vous ĂȘtes-vous jamais senti coupable ? Je passe la moitiĂ© de mon temps Ă  me sentir coupable. Et l’autre moitiĂ© Ă  oublier que je le suis. Vous avez la rĂ©putation d’ĂȘtre oecumĂ©nique et gentil. Vous est-il arrivĂ© d’ĂȘtre cruel ? MĂȘme les gentils ont leurs cruautĂ©s. Ne jamais souffrir ou rarement, n’est-ce pas ĂȘtre armĂ© pour faire souffrir les autres ? Je dĂ©teste la souffrance. Pour les autres comme pour moi. J’essaie de lutter – souvent sans succĂšs – contre l’égoĂŻsme et le narcissisme frĂ©quents chez les Ă©crivains. Pensez-vous Ă  la postĂ©ritĂ© ? Je vis au prĂ©sent. Demain est un autre jour. Je ne sais plus qui disait “Pourquoi ferais-je quelque chose pour la postĂ©ritĂ© ? Elle n’a rien fait pour moi.” De temps en temps, je rĂȘve d’un jeune homme ou d’une jeune fille qui, trente ans aprĂšs ma mort, tomberait sur un de mes livres. Vous avez eu un ancĂȘtre rĂ©volutionnaire, Lepeletier de Saint- Fargeau, qui a votĂ© la mort de Louis XVI ; quelle est votre part rĂ©volutionnaire ? Il y a Ă©videmment des liens entre littĂ©rature et rĂ©volution. Tout livre digne de ce nom est, en un sens, une rĂ©bellion. Lepeletier a Ă©tĂ© au PanthĂ©on. Et vous, en 2250, souhaiteriez-vous y ĂȘtre ? En 2250, en dĂ©pit de la formule de Barbey d’Aurevilly “Pour le climat, je prĂ©fĂšre le ciel ; mais pour la compagnie, je prĂ©fĂšre l’enfer”, je souhaiterais ĂȘtre au paradis. Qui, selon vous, dans les Ă©crivains vivants, mĂ©rite d’y entrer ? Il m’est impossible de parler des vivants le temps seul jugera. Mais je m’intĂ©resserai Ă  ce temple le jour oĂč les cendres de PĂ©guy, catholique et socialiste, dreyfusard, mort pour la France et pour la RĂ©publique, Ă©crivain de gĂ©nie, y seront enfin dĂ©posĂ©es. Vous parlez beaucoup de Dieu. Vous sentez-vous plus catholique ou plus chrĂ©tien ? Je respecte et j’admire la religion catholique. J’espĂšre mourir dans son sein, en croyant ravagĂ© par le doute. Mais je me sens d’abord chrĂ©tien. Vous avez Ă©crit que de tous les faux dieux, c’est le soleil que vous auriez pu adorer. Il y a un peu de paĂŻen chez vous ? J’aime le plaisir, le soleil, la lumiĂšre, la Toscane, les Pouilles, les Ăźles grecques, la cĂŽte turque et les corps – y compris le mien. Je crois aussi que la vie n’est pas seulement une fĂȘte et qu’il y a au-dessus de nous quelque chose de sacrĂ©. Votre dernier livre a pourtant des accents testamentaires vivez-vous dans la conscience de la mort ? Je n’ai pas ressenti mon livre comme un testament. L’idĂ©e de la mort inĂ©luctable est trĂšs loin de m’occuper tout entier. Je l’attends sans impatience et avec une humble espĂ©rance. La vie est peut-ĂȘtre faite pour apprendre Ă  mourir, mais il faut d’abord la vivre. Dans votre roman, vous crĂ©ez un beau personnage de femme, Marie. C’est aussi un livre qui vĂ©hicule beaucoup d’idĂ©es. Ce qui fait vivre les romans, ce sont les personnages Gargantua, Don Quichotte, Julien Sorel, Anna Karenine, le baron de Charlus, AurĂ©lien – et mĂȘme ArsĂšne Lupin. Mais le roman moderne est en train de s’essouffler et de chercher des voies nouvelles. Je ne suis pas un romancier classique. Je ne suis peut-ĂȘtre mĂȘme pas tout Ă  fait un romancier. J’essaie de garder l’élan, l’impatience, l’attente fiĂ©vreuse du roman – qui manquaient tant dans le nouveau roman – et d’ouvrir d’autres chemins. Vous donnez le sentiment de n’avoir jamais souffert, d’ĂȘtre bĂ©ni des dieux. Pourtant, vous avez connu rĂ©cemment la maladie, la souffrance. Cela a-t-il changĂ© votre vision des choses ? Bernard Frank, qui avait beaucoup de talent, m’a dit un jour “Tu ne seras jamais un grand Ă©crivain parce que tu n’as pas assez souffert.” J’ai connu la souffrance, ces six ou sept derniers mois. Je ne suis pas sĂ»r que la dose ait Ă©tĂ© suffisante pour me permettre d’accĂ©der Ă  la dignitĂ© redoutable de “grand Ă©crivain” ! Comment imaginez-vous la France dans cent ans ? Je ne lis pas dans le marc de cafĂ©. Toujours l’inattendu arrive. Une chose est sĂ»re il y aura dans l’avenir des catastrophes inouĂŻes – mais aussi, j’espĂšre, encore un peu de bonheur. Nous avons le choix, dans l’avenir, entre une nouvelle renaissance fondĂ©e sur une science balisĂ©e par l’éthique et un retour Ă  une sorte de Moyen Age en miettes, avec ses clans et sa brutalitĂ© et sans ses cathĂ©drales. Il n’est pas impossible que nous entrions dans un temps d’affrontement et de violence. Mais le pire n’est pas toujours sĂ»r. Je souhaite, dans cent ans, une France rĂ©conciliĂ©e dans une Europe unie et puissante.

jean d ormesson le train de la vie